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ÉCOLE EN GUINÉE

À propos du film « Directeur d'école en Guinée, une journée ordinaire »
par Marie-Paule Crochet-Thery
Responsable RESAFAD-Guinée de septembre 1996 à mars 2003

(Vidéo de 13 min 12 s)

 
 

Lorsque Jacques Wallet fin 1997 décida de faire réaliser un film sur la formation des directeurs d’école dans quatre pays où RESAFAD s’était s’implanté depuis une année, l’avancement du projet, conçu à l’origine pour être synchrone, différerait de fait sensiblement d’un pays à l’autre.

En Guinée, la mise en route avait pris beaucoup de retard pour un ensemble de raisons tant politiques, administratives que matérielles1 auxquelles s’étaient ajoutés quelques aléas financiers.

1997 avait permis cependant de mettre en place durant le premier semestre le cadre légal du projet avec la création du groupe de pilotage présidé par le Secrétaire Général du Ministère de l’Enseignement préuniversitaire et le choix du chef de projet guinéen pour la FADDE2, M. Almany Conté - Il joue dans le film son propre rôle d’inspecteur à la direction de l’enseignement élémentaire de la commune de Kaloum3.

Par la suite, la mise en place des structures matérielles de fonctionnement permit la constitution de l’équipe de conception4. Dès le mois de mars 1997 une étude sur les attentes et les besoins du public cible avait été lancée avec la création et l’envoi d’un questionnaire aux directeurs d’école de six classes et plus à Conakry et dans deux préfectures, Coyah et Kindia5. Son dépouillement fut achevé en juin.

Lorsque la demande de Jacques Wallet de réaliser sur place un film didactique sur la journée d’un directeur d’école me parvint un second questionnaire fut élaboré et envoyé à ce même public afin d’en écrire le scénario. Ce questionnaire complétait en quelque sorte la première enquête.

La production du film lui-même s’effectua de janvier à mars 1998. En parallèle cette période fut pour RESAFAD-Guinée un temps d’intense activité puisque la formation du chef de projet et de l’équipe de concepteurs à la formation à distance et à l’utilisation des NTIC6 et l’élaboration de deux premiers modules7 eut lieu également durant les mois de janvier et février 1998.

L’équipe des concepteurs, laquelle incluait le chef de projet FADDE et l’AT8, responsable RESAFAD, participa activement au scénario, au tournage et au montage du film qui fut réalisé par l’alliance franco-guinéenne. C’est grâce aux compétences techniques et artistiques de ses membres que le film put voir le jour et bénéficier, en accompagnement, d’une musique originale composée et exécutée tout exprès par un artiste guinéen, Sekou Kora.

Si l’enquête permit de réfléchir au scénario restait à définir rapidement le lieu du tournage ; pour des raisons budgétaires9 Kindia et Coyah furent éliminés. Restait Conakry. C’est alors que fut proposé de tourner à Kassa, dans la plus grande des iles situées juste en face de la presqu’île de Kaloum dont elle faisait administrativement partie du point de vue scolaire. Cette ile se trouve à environ une demi-heure de pirogue du port artisanal de Boubinet à la pointe de Kaloum. Ce choix permettait, toutes proportions gardées, de restituer les conditions que l’on pouvait retrouver en région tout en offrant une pointe de dépaysement par son insularité.

Le directeur de l’école primaire de Kassa, Monsieur Lamine Bangoura, donna son accord pour participer à l’élaboration du scénario et jouer son propre rôle.

Bien entendu il ne pouvait être question de tourner sans avoir reçu au préalable les autorisations des autorités administratives : gouverneur de Conakry et autorités de Kaloum et de Kassa, ministère de l’Enseignement préuniversitaire et directrice communale de l’éducation de Kaloum.

Celles-ci accordées, Monsieur Conté, quelques membres de l’équipe et moi, prirent une pirogue pour Kassa afin de rencontrer les représentants de l’association des parents d’élèves et le président du conseil de quartier afin de leur présenter le projet de film, solliciter leur accord et leurs participations. Tous acceptèrent chaleureusement et décidèrent même d’offrir un repas à tous les participants, RESAFAD et techniciens de l’Alliance franco guinéenne, sur l’île lors du tournage.

Pour des raisons de contrainte d’agenda des uns et des autres, celui-ci eut lieu en deux fois10 - courant mars, les deux techniciens étant pour l’un des jours de tournage arrivés la veille pour les prises de vue du soir et celles du matin de bonne heure.

Le visionnement et le tri des rushes eut lieu à Conakry dans les locaux de l’Alliance franco-guinéenne et le film terminé fut envoyé à Paris à l’AUDECAM.

On voit se présenter au cours de cette journée type, volontairement scandée par l’annotation des heures, toutes les charges et difficultés inhérentes à la fonction du directeur d’école :

  • La gestion de classes à grands effectifs, (autour de 90) malgré un dédoublement des classes entre matin et après-midi.
  • La gestion du travail pédagogique des enseignants, avec le suivi des cahiers de préparation11.
  • La gestion aussi humaine et psychologique.
  • La gestion des retards et des absences.
  • La gestion des rapports avec la puissante Association des Parents d’Élèves (APE) qui assure l’entretien matériel de l’école et subventionne ses possibles aménagements sanitaires12.
  • Le rôle administratif du directeur est évoqué par les papiers qu’il traite dans son bureau et par la visite de l’inspecteur.

En filigrane apparaissent certaines des difficultés structurelles de l'enseignement en Guinée.

  • Une scolarisation qui se veut de masse pour répondre aux directives de « L’Éducation pour tous » (EPT) promue par la Banque Mondiale, mais qui se fait obligatoirement au détriment d’une certaine qualité d’enseignement malgré la grande bonne volonté des maîtres. Difficile en effet d’organiser une participation active des élèves. Hormis de très courtes réponses l’enseignement reste avant tout directif et dans un tel cadre la discipline se doit d’être maintenue avec rigueur et fermeté.
  • La nécessaire scolarisation des filles est martelée par le directeur même si les écarts notés dans cette école ne sont pas considérables.

La vie quotidienne de l'école est rendue avec ses rites du lever et de descente des couleurs, l’afflux des petites marchandes dans la cour au moment des récréations et la joyeuse cohue à la sortie.

La bienveillance du directeur est évoquée par sa balade au bord de la mer avec deux petits élèves, apportant une touche de douceur à un personnage sévère.

Pour terminer et à titre personnel j’ajouterai que quelques mois après le tournage la mort a emporté brusquement Lamine Bangoura. Il est quelque part émouvant de savoir que sa passion pour l’enseignement revit intacte dans ce film.


1 Le matériel informatique arrivé seulement en juin 1997 ne fut mis en place qu’en octobre/novembre et la première liaison Informatique en Guinée n’eut lieu que début novembre de cette même année.

2 FADDE, nom donné en Guinée à la Formation À Distance des Directeurs d’Ecole.
C’est cette dénomination qui avait été choisie en Guinée.

3 Kaloum, nom géographique de la presqu’île située à l’extrémité de la ville de Conakry, est aussi l’une des cinq communes de la capitale guinéenne. Elle constitue le centre-ville de Conakry.

4 Equipe composée de 8 personnes proposées au chef de projet par le comité de pilotage.

5 Respectivement à environ 60 et 120 km de la capitale.

6 Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

7 Il s’agissait de « La planification de l’année scolaire » et « La gestion du temps du directeur ». Ce module entrait tout à fait dans le cadre d’un film à visée didactique. Ces deux modules furent présentés au séminaire de regroupement de RESAFAD à Ouagadougou en mars1998.

8 AT : Assistante technique.

9 Il fallait prévoir deux journées de tournage et le déplacement de plusieurs personnes et du matériel.

10 Si l’on se réfère aux indications marquées sur les tableaux des salles de classe, il doit s’agir du mardi 10 mars et du lundi 16 mars 1998.

11 Dans ces cahiers chaque maître doit noter le travail à faire en classe, la méthode pédagogique employée et son avancée par rapport au programme. Déposé journellement chaque fin de classe par l’enseignant il est visé et annoté par le directeur qui le lui rend le lendemain avant le premier cours.

12 Le problème des latrines est un problème récurrent en Afrique. Outre son impact sanitaire évident, il conditionne en partie la scolarisation - ou non - des filles. Il est donc normal qu’il apparaisse dans un film à visée didactique.

 
 
Conakry Port artisanal de Boubinet Ile de Kassa
Conakry Port artisanal de Boubinet Ile de Kassa

Image générique du film

 
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